Dans un rapport publié le mardi 3 Juin dernier, la Cour des comptes pointe les failles persistantes du diagnostic de performance énergétique (DPE) et appelle à une réforme en profondeur de son fonctionnement. Elle plaide pour un contrôle renforcé, une meilleure information du public et une réelle indépendance des diagnostiqueurs.

Un outil central dans la politique de rénovation énergétique

Créé en 2006, le DPE vise à informer sur la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre d’un bien immobilier. Réformé en 2021, il est devenu un élément central de la stratégie nationale de transition énergétique. Depuis cette date, il est désormais opposable juridiquement, c’est-à-dire qu’il engage la responsabilité du vendeur ou du bailleur lors des transactions et des mises en location. Cette évolution a profondément modifié le paysage immobilier. Lors d'une conférence de presse organisée ce mardi 3 Juin, Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, a qualifié le dispositif de « très utile », tout en rappelant l’exigence d’exemplarité qui doit l’accompagner. Il salue des « avancées incontestables » dans l’évolution du diagnostic de performance énergétique, mais souligne que les efforts engagés doivent impérativement se poursuivre, afin de garantir la cohérence, la fiabilité et la pleine efficacité du système.

Mais si l’objectif de la réforme est d’accélérer la rénovation du parc immobilier, son application reste problématique. La Cour des comptes souligne que "les délais de mise en œuvre, très courts, n’ont pas permis de bien anticiper les obstacles rencontrés par les particuliers". Elle insiste sur les impacts significatifs de ces changements, notamment pour les propriétaires de passoires thermiques.

Des interdictions progressives de location selon la classe énergétique

Depuis le 1er janvier 2025, les logements classés G ne peuvent plus être proposés à la location. Cette interdiction s’étendra aux biens classés F dès 2028, puis aux logements classés E à partir de 2034. Ces échéances s’inscrivent dans la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel, mais elles exigent des travaux de rénovation parfois lourds, coûteux et complexes.

La Cour des comptes met en garde : si la réforme répond à des objectifs environnementaux louables, son application révèle de nombreux biais qui fragilisent sa légitimité. Elle constate notamment des écarts importants dans l’évaluation des logements, des diagnostics parfois incohérents, et un manque d’harmonisation dans les pratiques. Face à ces constats, elle recommande un accompagnement renforcé des usagers, à travers une information plus claire, des outils de recours accessibles, et une meilleure lisibilité des démarches à entreprendre.

Un besoin urgent de fiabiliser les diagnostics énergétiques

La Cour propose plusieurs leviers pour renforcer la crédibilité du DPE. Elle recommande notamment d’améliorer la communication auprès du public sur les différents types de diagnostics disponibles, ainsi que sur les voies de recours en cas d’erreur manifeste. Cette démarche vise à renforcer la confiance des citoyens dans un outil encore jugé trop souvent flou ou incohérent.

Autre recommandation majeure : le renforcement des contrôles statistiques. L’Ademe (Agence de la transition écologique), chargée du suivi national, devrait mettre en place des analyses croisées et approfondies sur les résultats de DPE, afin de détecter les incohérences et améliorer la fiabilité globale du dispositif.

La création d’une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs

L’une des propositions les plus structurantes du rapport concerne la création d’une carte professionnelle obligatoire pour les diagnostiqueurs immobiliers. Cette mesure permettrait de lutter plus efficacement contre les fraudes, d’encadrer la profession et de redonner de la légitimité à ces acteurs clés du marché immobilier.

Dans le prolongement de cette idée, la Cour des comptes encourage le développement de parcours de formation diplômants adaptés aux nouvelles exigences du métier. Ces cursus pourraient déboucher sur des diplômes d’État, renforçant ainsi la reconnaissance et la compétence des professionnels du diagnostic.

Enfin, un travail d’harmonisation des pratiques professionnelles est en cours, avec un objectif de mise en œuvre d’ici 2026, afin d’unifier les méthodes d’évaluation et garantir une meilleure comparabilité des DPE à l’échelle nationale.

Des contrôles à réformer pour garantir l’impartialité

Dernier point soulevé par la Cour : le manque d’indépendance des auditeurs chargés de contrôler les diagnostiqueurs. Actuellement, ces contrôleurs peuvent intervenir dans des zones où ils ont eux-mêmes exercé, ce qui génère des conflits d’intérêts potentiels, notamment lorsqu’ils évaluent d’anciens collègues ou partenaires.

Pour remédier à cette situation, la juridiction financière propose d’instaurer une incompatibilité géographique, interdisant tout contrôle dans un territoire où l’auditeur a exercé. Elle recommande aussi de séparer clairement les missions de certification, d’audit et de formation, afin de garantir une véritable indépendance et éviter les dérives.

 

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